‘’ La réforme du système de santé haïtien : Pivot du développement socio-économique ‘’
Revenir au sein de la faculté de médecine de l’UNDH-FMSS, après mon internat pour assister au lancement des JS 2019, m’a communiqué cette flamme que je pensais avoir perdue en tout ce qui a trait au domaine médical haïtien. L’image de cette jeune étudiante de première année que j’étais, remplie de fougue, gravissant les marches d’escalier de l’entrée principale de la faculté avec des idées plein la tête et ce désir intrinsèque de vouloir faire bouger les choses autour de moi, me semblait loin. Très loin. Car la réalité que j’avais confrontée dans le grand Nord m’avait clairement démontré que notre système de santé était le cadet des soucis de plus d’un. Que mes impressions, mes frustrations, mes opinions ne pèseraient jamais dans la balance. Ma voix n’étant qu’une énième criant vainement dans ce désert aride qu’est devenue notre société. Cependant, me retrouver dans cette salle polyvalente qui m’avait vu évoluée, voir ces jeunes entonner cette même « Notre Damoise » que je connaissais par cœur, écouter les discours des nouveaux coordonnateurs m’insufflaient une nuance d’espoir. Ces jeunes invitaient au dialogue, ceci autour d’une réforme de notre système de santé. Tout n’était donc pas perdu. S’ils arrivaient à vraiment faire partager des idées, autour de cette thématique les 10-11 mai 2019 peut-être que des solutions tangibles seraient proposées ? D’où l’objectif de ces lignes que je tape avidement sur mon clavier. Il fallait à tout prix que je partage mon opinion sur cette thématique : ‘’ La réforme du système de santé Haïtien : Pivot de développement socio-économique’’ Système de santé haïtien, état des lieux. Selon le rapport statistique 2017 du MSPP publié en octobre 2018, il n’y a que 30.7% de notre population de 112444774 habitants ayant accès aux soins de santé. Nos établissements de santé fonctionnels sont estimés à 1007 et sont repartis selon les pourcentages suivants : 36% sont des centre de santé sans lits, 35 % sont des dispensaires/centres communautaires de santé, 16 % sont des centres de santé avec lit et 13% sont des hôpitaux. 34% de ces institutions sanitaires sont publiques, 30% sont privées à but lucratif, 19% sont mixtes, 17% sont privées sans but lucratif. La grande majorité de ces institutions se trouvent dans le département de l’Ouest, représentant un pourcentage de 37%, tandis que le département des Nippes est le plus démuni avec un pourcentage de 3%. Notre population ne dispose que de 6.3 prestataires de soins pour 10000 habitants, ce qui est très loin des 25 pour 10000 recommandés par l’OMS sans oublier que les 80% de nos prestataires de soins se trouvent dans les milieux urbains. Le budget de la santé est passé de 4% à 9 % de 2011 à 2013, a été réduit à 5.5% en 2014, encore réduit à 4.4 % en 2017-2018 puis a été voté à 7.6 % lors du budget rectificatif de 2018-2019. Cette fluctuation du budget alloué à la santé au cours de ces dernières années est encore très loin des 15 % recommandés par l’OMS sans oublier que 34 % des dépenses de santé sont à la charge des ménages tandis que 55% viennent de nos bailleurs de fonds. Bien qu’il y ait eu des efforts consentis par le MSPP pour nous donner accès à un maximum de données relatives à l’état de santé de notre population, les chiffres nous montrent que nous avons encore du chemin à faire ; la mortalité maternelle hospitalière est passée de 284 pour 10000 naissances en 2016 à 412.6 pour 10000 naissances en 2017. La couverture des enfants de moins de 5 ans par le programme de nutrition est passée de 47.6% en 2016 déjà 45.9% en 2017. Il y a eu 72 nouveaux cas de diphtérie en 2017 dont 21 décès. Les vaccins: pentavalent et polio n’atteignent même pas les 90%. Les infections respiratoires aigües, l’hypertension artérielle et les infections sexuellement transmissibles sont toujours les 3 principales pathologies en tête de liste des maladies sous surveillance. Le message est clair : notre système de santé part à la dérive. Mais ce qui m’exaspère le plus, est que ce constat a été fait à maintes reprises, sur différents tons à travers différents médias, sans oublier les interminables débats à coup de #hashtag sur les réseaux sociaux. Nous nous trouvons cependant, inexorablement entrainer vers un gouffre sans fin. On aurait même pu penser que nous avons une société masochiste ayant une prédilection pour le mélodrame avec une réponse toute faite au bout des lèvres: Doc ! Ça a toujours été ainsi ! Qu’est-ce que tu peux bien y faire ? Ce que je peux bien y faire ? Ou ce que nous pourrions bien y faire ? Nous pourrions finalement essayer de mettre sur pied une réforme ! Vers une réforme de notre système de santé.
Les centres hospitaliers devraient être placés à des lieux stratégiques sur le territoire. Chaque chef-lieu devrait avoir un hôpital départemental. Donc logiquement ,on devrait avoir 10 hôpitaux départementaux. Les hôpitaux départementaux devraient avoir les structures nécessaires pour prendre en charge d’une part les patients ayant déjà reçu les premiers soins d’un centre de santé avec lit et d’autre part les patients venant directement au service des urgences de l’hôpital. Les centres hospitaliers spécialisés universitaires devraient être placés à des lieux stratégiques vis-à-vis des hôpitaux départementaux. Ayant pour point de repère les croisements des routes nationales pour faciliter les transferts d’un hôpital à un autre. A noter que le MSPP a déjà un organigramme des 3 échelons, qu’il nous suffit uniquement de bien redynamiser.
Il nous faudrait promouvoir des études visant non pas le ‘’ par cœur ‘’/’’ masse bête ‘’ mais une attitude pratique et efficiente vis-à-vis des patients qu’ils auront à prendre en charge. Etre en norme avec ce qui se fait à l’échelle internationale mais aussi en prenant en compte l’épidémiologie propre à Haïti. Le moment est venu qu’il y ait moins de professeurs absentéistes que ce soit en salle de cours ou en stages dans les différentes institutions. La production de données, les recherches devraient être beaucoup plus encouragées. A quand de véritables symposiums avec la projection de données produites principalement par nos prestataires de soins ?
Je suis consciente que les 4 points sur lesquels je me suis penchée dans cet article ne suffiront pas à eux seuls à créer une réforme. Que ce débat peut être interminable. Car il y a en effet tant à dire. Tant à corriger, améliorer. Mais le moment est venu de vraiment tous ensemble réfléchir et apporter des solutions durables à notre système sanitaire. Car une population ayant des problèmes de santé ne sera jamais productive. Mon souhait serait que ce thème des JS 2019 soit une période d’introspection pour tous nos collègues travaillant dans le système, qu’ils se posent les bonnes questions et qu’ils proposent des marches à suivre afin que nous trouvions un consensus pour faire bouger les choses. Certains, je le sais, traiteront ce souhait d’utopie. Certains continueront sans aucun doute à se plaindre, en disant ce fameux mantra ‘’ le système de santé haïtien est malade’’. Mais moi je refuse de continuer à me plaindre. Je refuse d’ajouter des éléments négatifs dans un débat stérile. J’ai écrit cet article en essayant d’apporter des éléments de réponse. A présent la balle est dans votre camp. Et vous , que proposez-vous ? Milady Auguste, MD, coordonnatrice d’honneur d’INTERMED. Sources : mspp.gouv.ht ; Rapport Statistique 2017, Octobre 2018 format PDF
1 Commentaire
Jolicoeur
31/1/2019 04:03:14 pm
Texte interesant!
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Mai 2019
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