Toute ressemblance constatée avec des personnes ayant un profil simiIaire n’est que pure coïncidence.
La voiture gravit doucement la pente de la rue Sapotille avant de s'arrêter devant un mur blanc portant une enseigne : Faculté de Médecine et de Sciences de la Santé/ Université Notre Dame d'Haïti. Voilà! C'est là que je vais passer les six prochaines années de ma vie à étudier la médecine. -"On se voit plus tard", me lance ma mère avant de m'éjecter de son véhicule. Ça c'est tout elle, pas de "au revoir" ou encore "bonne journée". Je ne me plains pas, cela fait partie de notre quotidien mère-fille. J'ai oublié les bonnes manières. Je suis Emmely Bateau et non pas Emmily comme certains ont l'habitude de m'appeler. Comme tout le monde, je suis sensible à la prononciation de mon prénom, et je ne manque pas de grimacer quand on décide de me nommer autrement. Comme vous l'aurez deviné aujourd'hui je fais mes premiers pas dans la vie universitaire. Je fixe une fois de plus le bâtiment. La première année ici ne sera pas facile, mais grâce aux conseils de ma cousine je me suis préparée à tout. Ma cousine, c'est Coralie, elle était en première année l'année dernière. Qu'est-elle devenue? Pourquoi est-ce qu'elle a disparu aussi subitement? Eh bien, elle a reçu la réponse d'une université étrangère où elle entreprend maintenant ses études. Ça c'est ce que je réponds à tout le monde. Mais la vérité c'est qu'elle a fait une grosse dépression au beau milieu de l'année à cause d'un garçon (Jonathan). Maintenant elle se remet de sa crise en consultant les psys. Qui aurait cru que cette faculté qui paraît si calme peut être sujet de drame à répétition, à longueur de journée? Une fois les escaliers gravis, on me conduit à la salle polyvalente où se déroule la messe de début d'année. Un rituel des établissements catholiques. -"On n'est pas sorti de l'auberge" me dis-je à moi-même. Je profite pour balayer la salle du regard. Zut! Je remarque des visages que j'aurais préféré ne plus revoir. Espérons que Notre-Dame soit assez spacieuse pour qu'on ne se piétine pas. ***** "Bleu ! Kijan ou rele ‘’ ? Je me presse à me mettre debout pour la cérémonieuse présentation des ‘’bleus’’. Voici que tous les regards sont fixés sur moi. Je sais à coup sûr qu'elle m'a vue. Oui, Caroline Granger sait maintenant que je suis là. Il ne manquait plus que ça. - Je suis bleue Emmely Bateau, immatriculée au numéro 012. Je viens du poulailler... - Bleu sa pa enterese nou, ki talan ou? - euh... je n'en ai pas. Ce n'est pas faux. Je n'écris pas, je ne chante pas, je ne danse pas... je ne fais rien d'artistique. - Komsi bleu, ou vle di m’ ou pa konn fè anyen? - A part vòlè nèg moun, souffle une voix à l'arrière, assez basse pour ne pas être entendue des aînés mais assez fort pour que la majorité des bleus l'entendent. Je sais que c'est Caroline. Je reconnaîtrais sa voix entre mille autres. Je ne tente pas de répliquer. Je joue celle qui n'a rien entendu. Félicitations Emmely! Partout où tu vas ,tu traînes ton passé avec toi. Désolée de vous décevoir chers lecteurs mais votre héroïne ne sera pas une sainte- nitouche. Je suis on ne peut plus coupable d'avoir convoité le bien d'autrui. A présent Caroline Granger va faire de son mieux pour me rendre la vie impossible puisque c'est elle la victime de cette histoire. Oh! Je vous assure qu'elle le pourra. Ces six prochaines années de ma vie risquent d'être l'enfer. ***** Voilà trois jours que je suis à la fac, trois jours où je reste "tête baissée" pendant les moments de bizutage; et le reste de mon temps libre je le passe à éviter Miss Granger et ses acolytes. Caroline Granger, bah c'est Caroline. Jolie, svelte, belle chevelure, superbe teint, un sourire capable de manipuler quiconque s'y perdant ... C'est la parfaite petite poupée en plastique! A elle seule elle éclipse toute les filles de la promotion. Alors comment son mec a-t-il pu tomber pour moi? Belle question! Je n'arrive même pas à répondre... À notre ancienne école Miss Granger était la plus populaire, cela ne m'étonnerait pas qu'elle reproduise le même schéma ici. On a toujours cru qu'elle finirait par devenir top model et qu'elle ferait le tour du monde. D'ailleurs qu'est-ce qu'elle fait là à Notre-Dame? Elle n'avait jamais parlé de médecine. Est-ce qu'elle fait tout ça pour me rendre la vie impossible? Il faut que j'arrête d'y penser sinon je vais devenir parano. Je devrais en parler à mes amies... Mais le truc c'est que je n'ai pas d'amies. Quand l'histoire entre Stéphane et moi a fini par devenir public, tout a changé. Au début, elles m'ont sermonné, mais elles m'ont fait comprendre qu'elles seraient toujours là pour moi. Mais avec le temps, elles ne me faisaient plus part de leurs confidences, je n'étais plus invitée aux petites soirées. Mais le pire c'est qu'elles avaient interdit à leurs "menaj" de m'adresser la parole. J'avais compris le message. J'ai brisé le code des filles (quoique Caroline n'ait jamais été une amie). Je me suis, à mon tour, éloignée d'elles. Elles n'ont jamais tenté de me contacter sinon les petits signes de la main en guise de bonjour. Je ne me plains pas. Je l'ai cherché. ***** -"Bleu ‘’ cria une voix. Casques aux oreilles je prétends ne pas entendre. Merci Coralie pour ce conseil. Et d'ailleurs, je croyais qu'ils n'avaient pas le droit de nous bizuter à l'extérieur de la salle. - Bleu, ou pa tande m’ ? Bleu matlòt. Je me fige et trahis ainsi ma fausse surdité. En seulement trois jours Caroline a réussi à rallier des aînés à sa cause. Une main se pose sur mon épaule et me force à me retourner. - Ah ah Emmely. Il fallait voir ta tête! - Sérieusement Edwin! Ce n'est pas drôle du tout. Edwin, c'est le grand frère de mon meilleur ami. Ex-meilleur ami, parce que mon meilleur ami était en même temps le petit ami d'une de mes meilleures amies; et depuis l'embargo ... on ne se parle plus. Je me permets de donner quelques coups de poing à Edwin pendant qu'il se marre. - J'ai raté les trois premiers jours de la semaine d'intégration. Si j'étais là, je t'aurais forcé à tenir la main à Caroline. - Tu n'oserais pas? - Oh que si! Tu me connais. Malheureusement oui, je le connais. C'est un farceur de la pire espèce. Si physiquement il donne l'apparence d'un nerd, psychiquement c'est tout le contraire. Il est présent à tous les ‘’party’’, il est capable d'ingurgité de l'alcool à un rythme phénoménal sans jamais finir "saoul". Je me demande comment il a fait pour se retrouver en troisième année sans aucune difficulté. - Les bleus , on vous demande en classe, crie une voix dans le couloir. - Edwin promets- moi que tu vas les empêcher de m'embêter. - Je ne te promets rien, me répond le connard en me faisant un clin d'oeil. ***** Le bizutage ce n'est rien de méchant, mais c'est quand même stupide de danser sur les airs du jingle de soleil d'été, ou encore de pousser le mur afin de le déplacer... Il y en a qui s'amuse. Moi je me fais toute petite comme le gars à côté de moi qui ne fait plus qu'un avec son bureau. Personne n'ose bizuter Caroline. Elle est plutôt abordée par les garçons. Du moment qu'elle m'oublie, ça me va. On vient nous parler de temps en temps des différentes activités de la fac. Il y a un groupe qui nous parle d'Intermed, le journal de la fac. Parmi eux je reconnais ... une amie de ma cousine. Elle réussit à me prendre à part pour me demander de ses nouvelles. - Elle va bien. Superbement bien... elle est heureuse là où elle est... tu sais si elle ne te répond pas c'est parce qu'elle est toujours occupée, et puis il y a le fuseau horaire... Voilà mon véritable talent: habilité dans le mensonge. J'aurais dû me rendre a ENARTS apprendre le théâtre. Je suis sûre que Caroline ne m'aurait pas suivie. **** Le jour qui nous délivre tous de notre étiquette de bleu est enfin arrivé (malgré les difficultés rencontrées). Aujourd'hui c'est la cérémonie de la blouse blanche. A partir de ce jour, nous pourrons enfin porter la blouse qui nous donnera droit au statut d'étudiant. Cette blouse représente pour moi un camouflage qui me permettra de passer inaperçue. Au programme de la journée nous avons la traditionnelle messe suivie d'un spectacle préparé par les bleus. Nous aurons à chanter la Notre-Damoise; les aînés ne la trouveront pas à leur goût et nous demanderont de la rechanter encore et encore... Coralie m'avait prévenue, comme j'ai l'intention de remuer mes lèvres cela ne me dérangera pas. Onze heures! Déjà la classe se vide essayant de ne pas se froisser l'un l'autre. Pour ma part je me rends aux toilettes retoucher mon maquillage (si on peut appeler ça comme ça). Pour une fois les toilettes des filles sont vides. Je pose ma trousse près du lavabo verifiant qu'il n'y a pas de flaque d'eau. Gaffeuse comme je suis, je serais en mesure de salir ma robe blanche. Ajoutons le maquillage à la liste des choses que je ne sais pas faire. A l'école c'était mes amies qui me le faisaient. Maintenant je dois chaque jour appliquer les conseils de quelques tutos que je visionne sur "YouTube". - Tiens! Tiens! Mais c'est Emmely Bateau! La voix chatoyante de Coraline vient m'irriter le tympan et faire dresser tout mes poils. J'évite de regarder en sa direction ce qui l'enlèvera sûrement l'envie de poursuivre la conversation. - On se fait une beauté? poursuit-elle. Tu as repéré d'autres mecs à voler? Là je m'énerve et lui répond - Bon sang Caroline. C'est quoi ton problème? Je me suis excusée milles fois déjà et j'ai fait tout ce qu'il fallait pour que tu m'oublies. - Et bien, tes excuses n'ont pas réparé le tort que tu as causé et ce genre d'histoire ne s'oublie pas. - C'est une erreur qui ne s'est produit qu'une fois il y a neuf mois de cela. - Tu penses que c'est une excuse? Caroline se rapproche dangereusement de moi. Moi qui ne me suis jamais battue de ma vie, je crains le pire. Est-ce que Caroline est le genre de fille à s'adonner au crêpage de chignons quelques minutes avant la cérémonie de la blouse blanche? Je cherche quand même des yeux un objet avec lequel je pourrai me défendre. - Je pense plutôt que c'est ton mec qui t'a fui et vu la manière dont tu parles je le comprends. Je vous jure que ce n'est pas moi qui ai dit cela. Caroline l'a remarqué et toutes deux nous fixons la dernière cabine du fond où la chasse d'eau vient juste d'être tirée. La porte s'ouvre pour laisser sortir une fille de quelques centimètres plus haute que moi. Bleue, comme nous, elle ne porte pas la blouse et revêt la couleur du jour, le blanc. Ce qui avait retenu mon attention était la couleur de ses cheveux qu'elle avait teinture assez particulière. Devrais-je me réjouir d'avoir été sauvée ou dois-je m'inquiéter pour "mon sauveur" qui risque de subir les foudres de Caroline? Caroline me délaisse déjà pour aller rejoindre celle qui avait osé l'affronter. Serait-ce malhonnête de ma part de profiter de cette diversion pour prendre mes jambes à mon cou? De sa démarche féline Caroline se rapproche de sa proie qui se lave les mains avec un calme étonnant. - Excuse-moi, c'est à moi que tu parlais? - Ça m'en a bien l'air, répond l'inconnue. - C'est étrange, je ne me rappelle pas t'avoir demandé ton avis. - Chérie, tu parles ouvertement de ta vie privée dans les toilettes de l'école, tu en fais directement une histoire publique. Caroline 1. L'inconnue 1. Match serré. Les adversaires s'affrontent du regard. Le public (moi) est en délire. Les deux adversaires s'affrontent du regard. Finalement c'est Caroline qui annonce le retrait avec un soupçon de menace. - Attends- toi à ce que l'on se croise dans la fac. Je ne serai pas toujours sympathique. - T'inquiète pas des pestes comme toi j'en mange chaque jour au déjeuner. Caroline rejoint la sortie d'une démarche pleine d'assurance que je ne peux qu'admirer. Elle réalise un volte-face digne de mannequin de Victoria's Secret ce qui fait valser ses cheveux longs. - Félicitations Emmely! Tu as trouvé un nouveau membre pour ton club de matlòt! Et elle s'en va, me laissant seule avec ma salvatrice dans un silence des plus troublants. Je murmure un merci qu'elle répond par un regard en biais. Je reprends mon maquillage. - Je sais qu'on ne se connait pas du tout, commençai-je, et j'apprécie beaucoup ce que tu viens de faire... Cela peut paraître déplacer mais...Tu peux m'aider avec le maquillage? Elle se retourne et me sourit. - Moi, c'est Emmely! - Zoé-Lyne... et je te sauve en deux fois la vie aujourd'hui!
2 Commentaires
Nicnick94
26/12/2016 07:52:18 am
Tres interessant....tu dis ne pas avoir de talent ceci prouve le contraire....Ce n'est pas du matlotaj dont je parle mais de l'écriture car ce que tu expliques et de la façon dont tu le fais,m'a captivé jusqu'à la fin...je pense que ton histoire avec cette Caroline est intriguante....j'aimerais connaître la suite,ce qui c'est passé d'intéressant entre vous 3(ta nouvelle amie,Caroline et toi)jusqu'à ce mois de décembre! Bravo encore et bonne continuité....surveille tes arrières aussi👽
Réponse
Lectrice
26/12/2016 05:41:41 pm
Hâte de connaître la suite !!! 😍😍
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INTERMED
Un rêve qui a pris forme depuis le Nostradamus (journal non officiel qu'avait formé la promotion actuelle d'internat quelques années plus tôt) et qui se fait à présent tradition pour les promotions à venir. Suivez nous sur Instagram : @_intermed_ Archives
Mai 2019
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