-Non, dit Annaïse et elle souriait à travers ses larmes, non, il n'est pas mort.
Elle prit la main de la vieille et la pressa doucement contre son ventre où remuait la vie nouvelle. Fin... Livre fermé. Je venais de terminer ce livre pour la troisième fois de la journée. Si on compte depuis le jour que je suis dans ce lieu, cela fait la vingt-et-unième fois. Ce livre est mon unique trésor; je suis seul. Je sais seulement que je suis dans les Nippes, loin de ceux qui pleurent, loin de ceux qui désespèrent, loin de ceux qui fuient. La nature me dresse une barrière faite d'arbres (déchus) et de boue. Il fait chaud, l'air est puant. Au fait, c'est peut-être moi qui pue: le fluor et la menthe ont abandonné mes dents, la mousse a pris congé de ma peau. En face de moi, se dresse un manguier. Les branches sont fermes, les fruits m'appellent. Mais je ne peux pas bouger; je me suis cassé la jambe droite. Dans mon sac, rien de local. Un ordinateur portable, une _*Galaxy*_ sans étoiles. Mes boîtes de _Pringles_ sont vides. Au moins, j'ai du fric (inutile). J'ai ma Carte d'identification, mais je ne suis toujours pas identifié. Mes frères pleurent, ils doivent bâiller grand. D'habitude, ils sont ignorés. Le désastre nous ressasse le souvenir de leur existence. Mais revenons à moi, personne ne sait où je suis -moi non plus d'ailleurs- et ne peut m'aider. Je suis un étranger, des blancs (je n'ai jamais su pourquoi on les appelait ainsi) sont venus ici pour la première fois, moi aussi. J'ai toujours vécu à Port-au-Prince, sans penser à connaître mon pays. Quel gâchis ! ! ! La nuit m'épouvante. Il fait noir, il fait froid. Je tremble de peur, j'ai faim, j'ai mal. La nature me dérange. Les arbres dessinent un tableau effrayant, laissant deviner les formes d'un fantôme. Le soleil tape fort sur mes yeux, il fait jour. L'arbre a sûrement repris sa vraie forme, je peux me réveiller. Je m'étais endormi au chapitre V. Je relis cette phrase : <<La vie recommençait, mais elle ne changeait pas...>> Je n'ai pas le temps de tout écrire, le temps est précieux. À cette heure, je serais peut-être dans mon lit en train de lire. Ou encore en train de me masturber! Quoi? Vous le faites tous! Il m'aurait juste fallu choisir une vidéo de _*Pinky*_ et faire remuer mon phallus entre mes doigts. Je suis plus à l'aise avec la main droite. Les giclées de sperme sont un mélange de _*brasse*_ au nom de cette femme, parfois au nom d'une amie de tous les jours. Certaines filles trouvaient mon sexe géant; pour les extra gourmandes (les expérimentées), c'était un Kirikou: il n'est pas grand, mais il est vaillant. Je sais, je n'ai aucune gêne. Mais laissez-moi vous rappeler que votre épiderme a épousé les effluves de ce monde grâce au _Sexe_. Mais le temps est peu sexuel, je vais mourir. Je laisse ce monde. Sur cette terre, j'ai eu beaucoup d'amis. J'ai rencontré Zoune, Hilarion et Claire Heureuse, La Niña et El Caucho, Pirrhus et Esmalda, Sherlock Holmes et Watson, Poirot et Hastings, Bug Jargal, Oliver Twist, Tom Sawyer et Huckleberry Finn... Tant de personnages à travers les pages. J'ai écouté de la bonne musique, j'étais un mélomane. Une mélodie, de belles paroles, et c'est l'extase... Mais le plus important, c'était de vivre. Dans quelques heures, j'atteindrai enfin la perfection. Mais aucun hypocrite ne viendra la chanter dans un (faux) costume. Je vais relire ce livre pour la dernière fois, puiser à travers ses pages une histoire d'amour, un appel à la réconciliation, une leçon toujours incomprise par mon peuple. Je prierai pour la dernière fois et espérer le Paradis. Je m'en vais, je laisse ce monde, avec ses joies et ses peines. Un jour, en rebâtissant ce pays, on me découvrira enfin et on dira à mes proches que Navy Jane a laissé ce monde. Mais comment? C'est une autre histoire... Écrit par: Yvan Jean Verlaine PIERRE (Etudiant en DCEM3 à la Faculté de Médecine et de Pharmacie, UEH)
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